Affichage des permis de construire : la seule preuve numérique jugée insuffisante par le Conseil d’État

26 Mar, 2025 | Droit de l'urbanisme

L’affichage d’un permis de construire est une étape cruciale, car il déclenche le délai de recours des tiers. Toutefois, la question de la preuve de cet affichage fait souvent l’objet de contentieux. Le Conseil d’État, dans sa décision du 10 mars 2025 (n° 472387), a rappelé que la preuve numérique seule ne suffit pas à démontrer la date de l’affichage.

Preuve numérique et affichage : une fiabilité contestée

Dans cette affaire, M. D., bénéficiaire d’un permis de construire, devait prouver que l’affichage sur site avait bien débuté le 28 janvier 2019, afin de rendre un recours irrecevable pour tardiveté. Pour cela, il a fourni :

  • Des photographies du panneau d’affichage, accompagnées de leurs métadonnées.
  • Des attestations de tiers confirmant l’affichage.

Cependant, la cour administrative d’appel a jugé ces preuves insuffisantes. Les juges ont retenu que :

  • Les métadonnées sont modifiables et ne constituent pas une garantie absolue.
  • Les attestations manquaient de précisions et ne permettaient pas d’attester avec certitude la date exacte de l’affichage.

Le Conseil d’État a confirmé cette analyse et jugé que ces éléments ne présentaient pas de garanties d’authenticité suffisantes pour prouver la régularité de l’affichage.

Comment prouver l’affichage d’un permis de construire ?

Si la preuve numérique peut être utile, elle doit être corroborée par d’autres moyens pour être recevable juridiquement.

Voici les meilleures pratiques pour éviter tout litige :

  • Faire constater l’affichage par un Commissaire de Justice (ex-huissier de justice) : cette démarche reste la solution la plus fiable et reconnue.
  • Multiplier les preuves : prises de photos à différents moments, témoignages circonstanciés, voire vidéos avec horodatage certifié.
  • Utiliser des services de certification électronique : certaines plateformes permettent d’enregistrer et d’attester de la véracité d’une image ou d’un document.

Conclusion : anticiper pour éviter les recours

Cette décision rappelle que la preuve numérique, bien que précieuse, n’est pas suffisante sans garanties supplémentaires. Pour sécuriser l’affichage d’un permis de construire et prévenir d’éventuels recours, il est essentiel d’utiliser des méthodes fiables et reconnues juridiquement. Le recours à un Commissaire de Justice demeure la meilleure option pour prouver sans ambiguïté l’affichage réglementaire d’un permis de construire.

Extrait de la décision du Conseil d’État, 10 mars 2025, N° 472387

« 5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de construire délivré par le maire de Saint-Restitut à M. D… le 8 février 2016 a été rétabli suite à l’annulation de l’arrêté du 3 mai 2016 par lequel le maire avait prononcé son retrait, par un jugement du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble devenu définitif. Le délai de recours contentieux à l’encontre de ce permis courait à l’égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates relatives au premier jour d’une période continue d’affichage, postérieure à cette annulation, en mairie ou sur le terrain. Pour justifier l’affichage du permis de construire sur le terrain à compter du 28 janvier 2019, et pour soutenir que, par suite, le recours introduit par M. C… contre ce permis le 1er avril 2019 était tardif et donc irrecevable, M. D… s’est borné à produire des photographies du panneau d’affichage qu’il avait lui-même prises en soutenant que les métadonnées numériques associées à ces photographies attestaient de leur date de prise de vue, ainsi qu’une attestation peu circonstanciée d’un voisin et celle d’un tiers faisant état d’un affichage les 2 et 3 mars 2019. Compte tenu des possibilités techniques de modifier ces métadonnées numériques, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour a jugé que la date de ces photographies ne pouvait être regardée comme présentant des garanties d’authenticité suffisantes. C’est ensuite par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a retenu, sans qu’il ait été besoin pour elle d’ordonner l’expertise demandée par le requérant, que les éléments qu’il produisait ne suffisaient pas à démontrer un affichage du permis de construire à compter du 28 janvier 2019 et a écarté la fin de non-recevoir opposée par M. D…, tirée de la tardiveté du recours formé par M. C… contre l’arrêté du 8 février 2016. »

Affichage des permis de construire : la seule preuve numérique jugée insuffisante par le Conseil d’État

L’affichage d’un permis de construire est essentiel pour déclencher le délai de recours des tiers, mais la preuve de cet affichage soulève des questions juridiques. Dans sa décision du 10 mars 2025, le Conseil d’État a invalidé la preuve numérique seule (photographies et métadonnées) en raison de sa susceptibilité à être modifiée. Les juges ont souligné l’importance de corroborer les preuves numériques avec des éléments supplémentaires, comme des attestations précises ou un constat d’huissier. Cette décision renforce l’idée que, bien que les technologies modernes puissent être utiles, des méthodes traditionnelles telles que l’intervention d’un Commissaire de Justice restent les plus fiables pour sécuriser l’affichage d’un permis de construire et éviter des recours tardifs.

Conseil d’État, 10 mars 2025, N° 472387

Retrouver le Commentaire de cette décision sur le site du cabinet :
Cette décision dans son intégralité sur le site du Conseil d’Etat : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2025-03-10/472387