Loi n°2024-322 et syndic de copropriété : vers une délégation de service public dans le recouvrement des charges attribuée au Syndic ?

22 Mai, 2025 | Droit de la copropriété

Le recouvrement des charges de copropriété constitue un pilier essentiel de la bonne gestion financière des immeubles collectifs. Face à l’augmentation préoccupante des impayés en copropriété, le législateur a adopté la loi n°2024-322, également appelée loi « Habitat dégradé », qui redéfinit en profondeur les pouvoirs du syndic de copropriété.

Cette réforme marque une évolution majeure, conférant au syndic des prérogatives de puissance publique au Syndic en matière de recouvrement. Ces nouvelles compétences, qui s’apparentent à des pouvoirs dérogatoires du droit commun sans saisine du juge, interrogent sur la nature et l’étendue des missions du syndic, désormais proches de celles d’une délégation de service public en la matière.

Un nouveau cadre juridique face aux impayés de charges en copropriété

Pendant de nombreuses années, la gestion des charges impayées en copropriété a constitué un défi majeur, menaçant l’équilibre budgétaire des immeubles. La loi n°2024-322, entrée en vigueur en 2024, répond à cet enjeu en accordant au syndic une plus grande autonomie pour agir rapidement et efficacement.

Ce texte de loi soulève toutefois des questions fondamentales : jusqu’où peuvent aller les pouvoirs du syndic sans remettre en cause les droits des copropriétaires et les principes du droit civil ?

I. Loi 2024-322 : les nouvelles prérogatives du syndic de copropriété

  1. Renforcement des pouvoirs de recouvrement du syndic

L’article L. 442-7 du Code de la copropriété, modifié par la loi, autorise désormais le syndic à engager des procédures de recouvrement sans avoir à obtenir l’aval de l’assemblée générale des copropriétaires. Il peut notamment mettre en œuvre des saisies sur salaire ou sur comptes bancaires, ce qui accélère considérablement le processus.

  1. Réduction des délais judiciaires pour le recouvrement

L’article L. 442-8 introduit un délai maximal de six mois après la première relance pour engager une action en justice. Cette mesure vise à réduire les retards de recouvrement et à limiter les coûts liés aux procédures longues.

Avant toute action contentieuse, le syndic est désormais tenu de proposer une conciliation, afin de favoriser un règlement amiable des litiges.

  1. Accès facilité aux informations des tiers

Grâce à l’article L. 442-10, le syndic peut directement solliciter des informations auprès des tiers, tels que les employeurs ou les établissements bancaires, pour identifier les ressources du débiteur et faciliter l’exécution des décisions de justice.

  1. Des contre-pouvoirs et garde-fous encadrant ces nouvelles compétences

Malgré l’extension de ses compétences, le syndic n’agit pas sans contrôle. Plusieurs garde-fous juridiques ont toutefois été instaurés :

  • Contrôle du juge des contentieux de la protection, saisi en cas d’abus ;
  • Obligation de tentative de conciliationavant toute procédure coercitive ;
  • Avis du conseil syndicalsur les actions engagées ;
  • Possibilité pour le copropriétaire d’obtenir des délais de paiementpour éviter des saisies excessives.

II. Un glissement vers un nouveau statut du Syndic : une mission de service public ?

Ces mesures traduisent une volonté claire du législateur : renforcer l’efficacité du recouvrement pour préserver la stabilité financière des copropriétés. Le syndic devient ainsi un acteur central dans la lutte contre la dégradation du parc immobilier.

Cependant, cette évolution soulève une question de fond : ces pouvoirs, exorbitants du droit commun, préfigurent-ils une délégation implicite de mission de service public au syndic ?

En confiant au syndic de copropriété des outils renforcés de recouvrement, la loi n°2024-322 inaugure peut-être une mutation de son statut.

Ce dernier ne se limite plus à un gestionnaire administratif : il devient un acteur semi-public investi d’une mission d’intérêt général.

Ainsi, le syndic pourrait bien être, à l’avenir, un vecteur clé de la politique nationale de lutte contre l’habitat indigne, la transition énergétique, le renouvellement et la modernisation du parc immobilier.