Précisions sur l’obligation de dresser un procès-verbal d’infraction et sur la preuve de l’urgence à suspendre une décision de refus du Maire de dresser un procès-verbal de constat d’infraction.
Conseil d’Etat, 23 septembre 2019, n°424270
1. Dans cette décision du 23 septembre 2019 (n°424270), le Conseil d’État précise dans un premier temps le champ d’application des obligations du Maire en matière de constat des infractions d’urbanisme (article L 480–1 et L.480–9 du Code de l’Urbanisme).
La Haute Juridiction énonce que le Maire est tenu de dresser un Procès-Verbal d’infraction :
- Soit lorsque la construction est édifiée sans autorisation ;
- Soit lorsque les travaux ne respectent pas l’autorisation accordée.
Il n’est cependant pas dans l’obligation de prendre un arrêté interruptif de travaux pour la première hypothèse.
Les juges du Palais Royal précisent également que le Maire est tenu de dresser un Procès-Verbal de constat d’Infraction lorsqu’il a connaissance de travaux effectués en méconnaissance du Document d’Urbanisme de la Commune.
Cependant dans cette hypothèse, il ne peut pas prendre « un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision, même s’il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d’urbanisme et notamment le plan local d’urbanisme. »
L’autorisation d’urbanisme définitive fait donc écran au pouvoir du Maire en matière d’Interruption des travaux.
2. Dans un second temps, le Conseil d’État indique qu’il n’y a pas de présomption d’urgence à suspendre le refus d’édiction d’un arrêté interruptif de travaux, mais que l’urgence doit être établie par le demandeur.
En l’espèce, le requérant ne caractérisait pas l’urgence au regard des faibles incidences des travaux projetés sur sa propriété et le recours est rejeté.
On peut regretter une telle position, car l’appréciation du préjudice subi est par essence subjective et on peut craindre des différences de traitement de même fait selon les juges et les juridictions.
Cela d’autant plus que les travaux effectués, peu importe les préjudices qu’ils causent, ont des effets généralement difficilement réversibles.
C’est d’ailleurs ce constat qui justifie la présomption d’urgence en matière de suspension d’une autorisation d’urbanisme (CE 27 juillet 2001 Commune de Tulle c/ Consorts Dufour, req. n° 230231 ; CE 25 juillet 2013 Sarl Lodge At Val, req. n° 363537).
Nous pensons qu’il aurait été cohérent que le contentieux du refus d’édiction d’un arrêté interruptif bénéficie de la même présomption.
Maître Jérôme OLIVIER
Avocat au Barreau d’ANNECY
Extraits :
- Conseil d’Etat, 23 septembre 2019, n°424270:
«Aux termes de l’article L. 480–1 du code de l’urbanisme : « Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire. […] Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480–4 et L. 610–1, ils sont tenus d’en faire dresser procès-verbal. » Aux termes de l’article L. 480–2 du même code : « L’interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l’une des associations visées à l’article L. 480–1, soit, même d’office, par le juge d’instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. […] Dès qu’un procès-verbal relevant l’une des infractions prévues à l’article L. 480–4 a été dressé, le maire peut également, si l’autorité judiciaire ne s’est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l’interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. […] Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d’aménagement sans permis d’aménager, ou de constructions ou d’aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d’aménager, le maire prescrira par arrêté l’interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l’exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l’arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. […] » Aux termes de l’article L. 480–4 du même code : « Le fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421–1 à L. 421–5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d’une amende comprise entre 1 200 € et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 € par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L. 430–2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 €. En cas de récidive, outre la peine d’amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. […] » Aux termes de l’article L. 610–1 du même code : « En cas d’infraction aux dispositions des plans locaux d’urbanisme, les articles L. 480–1 à L. 480–9 sont applicables, les obligations mentionnées à l’article L. 480–4 s’entendant également de celles résultant des plans locaux d’urbanisme. […] »
Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l’article L. 480–1 du code de l’urbanisme lorsqu’il a connaissance d’une infraction mentionnée à l’article L. 480–4, résultant soit de l’exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées. Si, après établissement d’un procès-verbal, le maire peut, dans le second cas, prescrire par arrêté l’interruption des travaux, il est tenu de le faire dans le premier cas. En outre, le maire est également tenu de dresser un procès-verbal lorsqu’il a connaissance d’une infraction mentionnée à l’article L. 610–1 du même code, résultant de la méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme. Il ne saurait cependant, dans cette hypothèse, prendre un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision, même s’il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d’urbanisme et notamment le plan local d’urbanisme.
L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier objectivement et concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant et de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.
En premier lieu, s’agissant de l’exécution d’une décision par laquelle une autorité administrative refuse de dresser le procès-verbal prévu à l’article L. 480–1 du code de l’urbanisme pour constater la méconnaissance par un commencement de travaux des prescriptions du permis de construire au titre duquel ils sont réalisés, la condition d’urgence ne saurait être regardée comme étant par principe satisfaite. Dès lors, en appréciant concrètement au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire si la condition d’urgence requise par l’article L. 521–1 du code de justice administrative pouvait en l’espèce être regardée comme remplie, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit.
A consulter en intégralité sur le site légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000039127749