FONCTION PUBLIQUE CONTRACTUELLE / CONTRAT A DURÉE DÉTERMINÉE /PRÉCISIONS SUR LES MODALITÉS DE RÉPARATION DU NON-RENOUVELLEMENT FAUTIF D’UN CONTRAT A DURÉE DÉTERMINÉE DANS LA FONCTION PUBLIQUE
CONSEIL D’ÉTAT, DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-CORSE, 10 juillet 2015 n°374157
Dans cette décision, le Conseil d’État rappelle dans un premier temps les principes applicables en matière de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée dans la fonction publique à savoir :
- Pour un agent public, il n’existe pas de droit au renouvellement ou au maintien des clauses de son contrat à durée déterminée ;
- Toutefois, l’administration ne peut légalement décider, au terme du contrat à durée déterminée, de ne pas le renouveler ou de proposer à l’agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent ou ne pas le renouveler, que pour un motif tiré de l’intérêt du service.
Ainsi une modification substantielle du contrat, comme un l’espèce une réduction de durée de 3 à 1 an et qui n’est pas justifiée par l’intérêt du service, est constitutif d’une faute susceptible de mettre en jeu la responsabilité de la collectivité employeuse.
Jusque-là la solution est assez classique.
Puis dans un second temps et c’est en cela que la décision innove, la haute juridiction énonce les règles que gouvernent l’évaluation du préjudice subi par l’agent du fait du non-renouvellement de son contrat.
Alors que la Cour Administrative d’Appel de Marseille avait retenu « que le préjudice indemnisable devait être évalué à hauteur de la différence entre les traitements nets perçus, exclusion faite des primes liées à l’exercice effectif des fonctions, et les rémunérations d’activité ou de remplacement perçues pendant la même période », le Conseil d’État considère lui la réparation du préjudice est évaluée par le juge « au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties » et que ce dernier accorde « une indemnité versée pour solde de tout compte déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité de l’illégalité, de l’ancienneté de l’intéressé, de sa rémunération antérieure et des troubles dans ses conditions d’existence »
En résumé l’indemnité est, dans ce cas, évaluée en tenant compte :
- De la nature et de la gravité de l’illégalité ;
- De l’ancienneté de l’intéressé ;
- De sa rémunération antérieure ;
- De troubles dans ses conditions d’existence.
On constate que si deux critères sont strictement objectifs à savoir l’ancienneté de l’intéressé et sa rémunération antérieure, les deux autres critères d’évaluation que sont, la nature et la gravité de l’illégalité et les troubles dans les conditions d’existence de l’agent, laissent au juge une latitude pour apprécier le montant du préjudice.
On peut d’ailleurs regretter une telle approche puisque contrairement à ce qui avait été retenu par la Cour Administratif d’Appel à savoir le manque à gagner du fait de l’illégalité du refus de renouvellement, l’agent public contractuel n’aura plus de certitude quant au montant de son indemnisation en cas de non-renouvellement fautif et surtout, ces indemnisations pourront varier en fonction des juridictions.
Il existe donc là une source d’insécurité tant pour les praticiens que pour les justiciables.
Extraits :
« 2. Considérant qu’un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d’un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d’un droit au maintien de ses clauses, si l’administration envisage de procéder à son renouvellement ; que, toutefois, l’administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l’agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l’intérêt du service ;
- Considérant que la cour a relevé que le département de la Haute-Corse avait proposé à M. B. de renouveler son contrat pour une durée d’un an seulement et que l’intéressé avait refusé cette proposition ; qu’en jugeant que la modification apportée au contrat initial, qui prévoyait une durée de trois ans, revêtait un caractère substantiel, la cour n’a commis aucune erreur de droit et a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine, exempte de toute dénaturation ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, qu’en jugeant qu’aucun motif tiré de l’intérêt du service ne justifiait légalement la décision du département et que celui-ci avait dès lors commis une faute de nature à engager sa responsabilité, la cour n’a pas commis d’erreur de droit et a suffisamment motivé son arrêt ;
- Considérant, toutefois, que lorsqu’un agent public sollicite le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité de la décision de ne pas renouveler son contrat ou de le modifier substantiellement sans son accord, sans demander l’annulation de cette décision, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité de l’illégalité, de l’ancienneté de l’intéressé, de sa rémunération antérieure et des troubles dans ses conditions d’existence ;
- Considérant que, pour évaluer le préjudice financier subi par M. B., la cour administrative d’appel de Marseille a jugé que la faute commise par le département de la Haute-Corse avait eu pour effet de le priver de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre jusqu’en décembre 2005, correspondant au terme d’un contrat renouvelé pour une durée de trois ans, et a jugé que le préjudice indemnisable devait être évalué à hauteur de la différence entre les traitements nets perçus, exclusion faite des primes liées à l’exercice effectif des fonctions, et les rémunérations d’activité ou de remplacement perçues pendant la même période ; qu’en statuant ainsi, la cour a méconnu les principes exposés au point 4 ci-dessus et commis une erreur de droit ;»
Me Jérôme OLIVIER