Des possibilités de modification du plan local d’urbanisme après enquête publique et de l’appréciation par le juge de la notion de bouleversement de l’économie du PLU
CAA LYON, 1ère chambre, 2 avril 2020 N°19LY01265
Le Code de l’Urbanisme autorise les modifications d’un document d’urbanisme (PLU, PLUi..) en suite de l’enquête publique qu’à la double condition :
- que ces modifications du PLU découlent des remarques et avis émis postérieurement ou lors de l’Enquête Publique ;
- que ces modifications ne bouleversent pas l’économie générale du projet de PLU.
C’est l’article 153–21 du Code de l’Urbanisme qui rappelle ces principes jurisprudentiels.
Dans la présente affaire soumise à la Cour Administrative d’Appel de LYON, il était contesté la réduction, en suite de remarques des services de l’Etat et du Commissaire Enquêteur, d’un nombre important des logements à construire notamment la suppression d’une Orientation d’Aménagement de Programmation (ci-après « OAP »).
La Cour Administrative d’Appel de LYON a estimé que ces suppressions ne constituaient pas un bouleversement de l’économie générale du Plan Local d’Urbanisme dans la mesure où :
- Les objectifs du PADD, à savoir « conforter le village en continuité de l’existant dans les espaces interstitiels en réunissant les deux hameaux pour favoriser la reconnaissance d’un même et unique village et non celle de deux entités urbaines constitutives du village ” et ” d’unifier le village en réhabilitant le domaine du Castelet (…) ” afin de créer une centralité autour des deux hameaux principaux de la commune que sont les Mollards et Louise Dufour» n’étaient pas remis en cause ;
- Deux des OAP étaient maintenus.
Si le raisonnement de la Cour peut paraître logique, on peut regretter que l’aspect quantitatif des modifications du plan ne soit pas évoqué dans l’arrêt.
En effet, on ne connaît absolument pas l’impact chiffré des modifications de son document d’urbanisme que la Commune a faites en suite de l’enquête publique.
Pourtant, la mesure chiffrée des modifications apportées au document d’urbanisme est généralement prise en compte par le Juge pour évaluer si la modification du PLU bouleverse ou non l’économie générale dudit Plan.
Ainsi, la Cour Administrative d’Appel de Marseille a, par exemple, le 16 décembre 2016 (CAA MARSEILLE, 16 décembre 2016, N°16MA0183), procédé à un comparatif des surfaces et des pourcentages des différentes zones constructibles, agricoles et naturelles du PLU avant et après enquête publique avant de conclure à l’existence d’une modification substantielle du PLU (non reconnue dans cette espèce).
Cette même juridiction a, le 12 février 2010 (CAA MARSEILLE, 12 février 2010, N°07MA05006), reconnu un bouleversement de l’économie générale du plan pour une diminution de cinq hectares des parcelles constructibles (ces parcelles constructibles passant de 15 hectares à 10 hectares, soit 30% de diminution des surfaces constructibles autorisées par le PLAN).
La Cour Administrative de Lyon, dans cet arrêt, privilégie une approche téléologique qui paraît toutefois plus subjective que l’approche quantitative.
Maître Jérôme OLIVIER
Avocat au Barreau d’ANNECY
EXTRAITS :
« 4. En premier lieu, en vertu de l’article R. 153–8 du code de l’urbanisme, le dossier soumis à l’enquête publique comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire a visé, analysé et annexé à son rapport l’ensemble des avis des personnes publiques associées, lesquelles ont toutes rendu un avis favorable avant le début des opérations d’enquête publique. La seule circonstance que le commissaire enquêteur ait omis de préciser dans son rapport, au point 2 consacré à la composition du dossier d’enquête publique, que les avis de ces personnes publiques étaient annexés ne démontre pas, en l’absence de tout autre élément, l’absence de ces avis au dossier d’enquête.
En second lieu, selon l’article L. 153–21 du code de l’urbanisme, à l’issue de l’enquête, le plan local d’urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire enquêteur, est approuvé par le conseil municipal. Il est loisible à l’autorité administrative compétente de modifier le plan local d’urbanisme après l’enquête publique, sous réserve, d’une part, que ne soit pas remise en cause l’économie générale du projet et, d’autre part, que cette modification procède de l’enquête publique, ces deux conditions découlant de la finalité même de la procédure de mise à l’enquête publique.
Il ressort des pièces du dossier que, suite aux remarques de l’Etat et du commissaire enquêteur, les auteurs du PLU ont diminué le nombre de logements à construire mais ont réaffirmé les objectifs mentionnés dans le PADD de ” conforter le village en continuité de l’existant dans les espaces interstitiels en réunissant les deux hameaux pour favoriser la reconnaissance d’un même et unique village et non celle de deux entités urbaines constitutives du village ” et ” d’unifier le village en réhabilitant le domaine du Castelet (…) ” afin de créer une centralité autour des deux hameaux principaux de la commune que sont les Mollards et Louise Dufour. Pour ce faire, ils ont maintenu sur le secteur du Castellet la création de deux OAP ayant vocation à accueillir des logements et des équipements publics en classant en zone 2AU les parcelles concernées, en l’attente d’une desserte adaptée par les réseaux publics, notamment d’assainissement. Ils ont en outre abandonné la création sur le même secteur d’une OAP et ont reclassé les parcelles réservées initialement à cette fin en zone agricole. Ces circonstances ne constituent pas une remise en cause opérationnelle du projet figurant du PADD, dès lors que le développement de l’urbanisation sur ce secteur central du Castellet est confirmé et maintenu. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les modifications apportées au projet de PLU après l’enquête publique remettent en cause l’économie générale du projet »
Intégralité de la décision à retrouver sur le site légifrance :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000041788390