Lorsque l’usage initial d’une construction a été abandonné depuis un moment, l’administration, pour apprécier la possibilité de délivrance des autorisations d’urbanisme concernant cette construction, doit se référer aux caractéristiques propres du bâtiment ainsi qu’aux règles d’urbanisme en vigueur.
Conseil d’Etat, 28 décembre 2018, n° 408743, commune d’HYÈRES
Le propriétaire d’un terrain à Hyères, dans le Var, souhaitait réhabiliter une ancienne bergerie en pierre à l’abandon dans le cadre d’une reconstruction à l’identique.
Ce bâtiment était situé au fond d’un jardin d’habitation et il ne restait de cette bergerie que les murs porteurs sans que celle-ci ne puisse être considérée juridiquement comme étant une ruine.
La Commune de Hyères a refusé les autorisations d’urbanisme sollicitées aux fins de rénovation de cette bergerie et ces refus ont été confirmés par le Tribunal Administratif de Toulon et la Cour Administrative de Marseille.
Par une décision du 28 décembre 2018, le Conseil d’Etat a censuré ces refus.
Elle a indiqué que si l’usage d’une construction résulte, en principe, de la destination figurant initialement dans le dossier de permis de construire; lorsque l’usage initial du bâtiment a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l’administration, saisie d’une demande d’autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l’usage mentionné initialement.
Il lui incombe d’examiner la structure du bâtiment restant et de déterminer si cette dernière pourrait être compatible avec l’usage sollicité (en l’espèce habitation) puis de vérifier si le projet n’est pas en contradiction avec les règles d’urbanisme en vigueur.
Cette décision s’inscrit dans le cadre d’un courant jurisprudentiel pragmatique qui se réfère aux « caractéristiques propres d’une construction» pour apprécier si le bâtiment présente ou conserve un usage d’habitation.
Ainsi, compte tenu des caractéristiques du bâtiment, il a été jugé que l’inoccupation d’un immeuble durant une longue période ne suffit pas à soit à changer la destination d’habitation (CE, 9 décembre 2011, n° 335707) ou qu’une ancienne filature, ayant cessé toute activité depuis de nombreuses années avait perdu sa destination industrielle et qu’ainsi sa transformation en maison d’habitation n’entraînait aucun changement de destination, sa configuration n’étant pas exclusive de la destination d’habitation (CE, 20 mai 1996, n° 1250121948
Jérôme OLIVIER
Avocat au Barreau d’ANNECY
Extraits :
- Conseil d’Etat, 28 décembre 2018, n° 408743
«3.Si l’usage d’une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire, lorsqu’une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans permis de construire et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l’administration, saisie d’une demande d’autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l’usage initial de la construction ; il lui incombe d’examiner si, compte tenu de l’usage qu’impliquent les travaux pour lesquels une autorisation est demandée, celle-ci peut être légalement accordée sur le fondement des règles d’urbanisme applicables.
4.Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, la cour a d’abord relevé, par de appréciations souveraines non arguées de dénaturation, que la construction litigieuse avait été édifiée au XIXe siècle sans qu’un permis de construire ne soit alors prévu et que, contrairement à ce que soutenait le maire, elle ne pouvait être regardée comme réduite à l’état de ruine en dépit de son abandon pendant plusieurs décennies. En jugeant ensuite que cette construction était à usage agricole en se fondant sur la seule circonstance qu’elle avait été initialement utilisée comme bergerie, alors même qu’elle relevait que cet usage avait cessé depuis des décennies, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.»
Ci-dessous le lien pour consulter la décision dans son intégralité.