URBANISME/PERMIS DE CONSTRUIRE : UNE PRESCRIPTION IMPOSÉE PAR L’ADMINISTRATION LORS DE LA DÉLIVRANCE DU PERMIS DE CONSTRUIRE PEUT PERMETTRE DE CORRIGER UNE OU PLUSIEURS ILLÉGALITÉS PRÉSENTES DANS LE DOSSIER DE PERMIS DE CONSTRUIRE
- Conseil d’Etat, 5 juillet 2021, n°437849
La société SNC Occitanie Promotion avait obtenu de la Mairie de Montpellier un Permis de Construire en date du 19 octobre 2018, en vue de la construction d’un immeuble de 24 logements.
Le syndicat de copropriété « Les Terrasses de l’Aqueduc » a attaqué ce Permis de Construire devant le Tribunal Administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande par un jugement du 21 novembre 2019.
La procédure d’appel ayant été supprimée pour les recours contre les Permis de Construire délivrés dans les zones tendues, c’est-à-dire des zones où le marché immobilier est en tension aboutissant à des prix d’acquisition et des loyers élevés, en vertu de l’article R. 811–1‑1 du Code de la Justice Administrative, le Conseil d’Etat était directement compétent en cassation.
Les juges du Palais Royal devaient répondre à la question de savoir si des prescriptions imposées par l’administration lors de la délivrance du Permis de Construire pouvaient permettre de corriger un manquement au Règlement du PLU présent dans le dossier de demande du Permis de Construire.
Le Conseil d’Etat a annulé le jugement sur la base d’un défaut de motivation, le juge du fond ayant omis de répondre à un moyen qui n’était pas inopérant, et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal Administratif de Montpellier.
Il a cependant pris la peine de faire sienne la position des premiers juges : il valide le raisonnement selon lequel une prescription peut permettre de corriger une illégalité du projet par rapport à une disposition du plan local d’urbanisme, en l’espèce certaines règles de prospect (I).
Cette position s’explique du fait des caractéristiques des prescriptions imposées par l’administration, qui on un caractère obligatoire et extérieur (II).
Cette décision confirme le rôle actif de l’administration dans la politique du logement (III).
- La correction de l’illégalité du Permis de Construire via l’édiction d’une prescription par l’administration lors de la délivrance du Permis de Construire
L’article 7 du Règlement du PLU de la Ville de Montpellier applicable à la zone 2UA, relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives imposait une distance des constructions par rapport aux imites séparatives d’au minimum 4 mètres.
Si l’on considérait le terrain d’assiette du projet telle qu’il était présent dans le dossier du Permis de Construire déposé par le pétitionnaire, cet article était méconnu.
Cependant, l’administration avait assorti son Permis de Construire d’une prescription, qui prenait en l’espèce la forme d’une réserve technique.
Celle-ci prévoyait la rétrocession à la Métropole de Montpellier d’une partie de la parcelle aux fins de la création d’un chemin piétonnier ouvert au public.
Cette prescription, pour les juges, a permis de corriger l’illégalité contenu dans le dossier de demande du Permis de Construire.
En effet, cette division foncière, qui devait intervenir, aurait pour effet de changer la destination de la parcelle rétrocédée par la SNC au profit de la Métropole, qui passerait dans la catégorie des voies et emprises publiques.
De par l’effet de cette prescription, c’est désormais en vertu de l’article 6 du Règlement du PLU de la Ville de Montpellier applicable à la zone 2UA, qui prévoyait les règles de prospect par rapport aux voies et emprises publiques, que la légalité du Permis de Construire devait être examinée.
Dès lors, les juges du fond, puis le Conseil d’Etat, ont considéré que les règles de l’article 7 du Règlement du PLU applicable à la zone 2UA ne trouvaient pas ici à s’appliquer du fait de la division foncière qui résulterait de la prescription contenue dans le Permis de Construire.
- Les caractères obligatoires et extérieurs de la prescription permettant à l’administration de corriger l’illégalité du dossier de Permis de Construire
Le point clef du raisonnement du juge réside dans la considération selon laquelle les premiers juges avaient à bon droit tenu compte des effets obligatoires de la prescription pour écarter le moyen relatif aux règles du Plan Local d’Urbanisme relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives.
Puisque cette prescription doit être respectée par le pétitionnaire, le futur bâtiment se trouvera nécessairement en face d’une voie publique et non plus d’une limite séparative, ce qui explique l’applicabilité de l’article 6 du Règlement du PLU en lieu et place de l’article 7.
De plus, la prescription est un correctif de l’illégalité contenue dans le dossier de permis de construire dans la mesure où elle présente un caractère « extérieur ».
En effet, ce caractère extérieur permet de différencier cette situation avec celles dans laquelle le demandeur effectuerait lui-même la constitution d’un terrain d’assiette, et cela artificiellement, en vue de se voir appliquer certaines règles d’urbanisme plus favorables à la réalisation de son projet.
Tel serait le cas par exemple d’un demandeur qui, sans nécessité, prévoirait une voirie dans le périmètre de sa construction, afin d’obtenir une majoration de ses droits à construire, une telle solution étant sanctionnée par le juge (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°383738).
III. Le rôle actif de l’administration dans la délivrance des Permis de Construire
La validation de ce raisonnement par le Conseil d’Etat montre une politique juridique favorable à la construction : en effet l’administration peut, par des prescriptions qu’elle décide d’imposer elle-même afin de régulariser un projet et rendre possible sa réalisation.
L’administration n’est donc pas dans un simple rôle d’examen de la légalité des projets, mais bien dans un rôle dynamique dans la politique du logement.
EXTRAIT PERTINENT :
« Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’arrêté du 19 octobre 2018 du maire de Montpellier accordant le permis de construire litigieux à la SNC LNC Occitane Promotion est assorti d’une réserve technique relative à la rétrocession à la métropole de Montpellier d’une partie de la parcelle, d’une superficie de 164 m², aux fins de la création d’un cheminement piétonnier ouvert à la circulation du public. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 7 du règlement du plan local d’urbanisme applicable à la zone 2U1, relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, le tribunal administratif a jugé que la conformité de l’autorisation de construire aux règles du plan local d’urbanisme devait être appréciée en prenant en considération cette prescription, ainsi que la division foncière en résultant nécessairement. En tenant compte des effets obligatoires attachés aux prescriptions assortissant une autorisation de construire pour juger que les règles d’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives prévues à l’article 7 du règlement du plan local d’urbanisme ne trouvaient pas à s’appliquer, le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit ».
Source : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043763564?isSuggest=true