PERMIS DE CONSTRUIRE TACITE : EN CAS DE PLURALITÉ DES DEMANDEURS, L’ADMINISTRATION N’EST PAS TENUE DE NOTIFIER LA DÉCISION DE REFUS À L’ENSEMBLE DES PÉTITIONNAIRES, SAUF SI LE REFUS TIENT À DES MOTIFS RELATIFS À UN DES DEMANDEURS SPÉCIFIQUEMENT
- Conseil d’État, 2 avril 2021, n°427931
Dans cette circonstance, le Conseil d’État devait trancher la question de savoir si, dans le silence des textes, et en cas de pluralité de demandeurs, l’autorité compétente pour délivrer un Permis de Construire était tenue de notifier sa décision de refus à l’ensemble des demandeurs.
Aussi les juges du Palais Royal devaient-ils également déterminer les conséquences du défaut de la notification de la décision de refus à l’un des demandeurs et, notamment, si ce manquement avait pour effet de faire naître, à son profit, une décision de permis tacite.
La Haute Juridiction a considéré que, dans la mesure où le refus est motivé par l’impossibilité de construire au regard des règles d’urbanisme, la notification à un seul des demandeurs n’a pas pour conséquence de permettre la délivrance d’un Permis de Construire tacite au(x) pétitionnaire(s) auquel(s) la décision n’aurait pas été notifiée.
En revanche, la solution est différente si le refus tient à des motifs concernant la personne du demandeur, et notamment « pour le motif qu’elle ne dispose pas d’un titre l’habilitant à construire ».
La décision semble cohérente en ce qu’elle protège les collectivités de constructions irrégulières pour des raisons tenant uniquement à un manquement aux règles de procédure.
Une intervention du Pouvoir Règlementaire pourrait toutefois apparaître utile.
On pourrait notamment imaginer, en cas de pluralité de demandeurs, d’imposer aux pétitionnaires de préciser de nommer un mandataire unique pour l’ensemble des demandeurs, lequel serait l’unique bénéficiaire des notifications de l’administration chargée de délivrer les autorisations d’urbanisme.
EXTRAITS :
« 2. Aux termes de l’article L. 424–1 du code de l’urbanisme : ” L’autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d’opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable (…) “. Aux termes de l’article L. 424–2 du même code : ” Le permis est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au demandeur à l’issue du délai d’instruction (…) “. Enfin, l’article R. 423–1 dispose que : ” Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs coindivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique “.
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’une demande de permis de construire est présentée par plusieurs personnes et que l’autorité administrative compétente prend une décision de rejet fondée sur l’impossibilité de réaliser légalement la construction envisagée, la notification de ce refus exprès à l’un des demandeurs avant l’expiration du délai d’instruction fait obstacle à la naissance d’un permis de construire tacite au terme de ce délai, y compris à l’égard des demandeurs auxquels ce refus n’a pas été notifié avant l’expiration du délai. Il ne peut en aller autrement que lorsque la décision expresse de refus, notifiée avant l’expiration du délai d’instruction à l’un des demandeurs, ne rejette la demande de permis qu’en tant qu’elle émane de cette personne et pour des motifs propres à son projet de construction, notamment pour le motif qu’elle ne dispose pas d’un titre l’habilitant à construire, une telle décision ne faisant alors, par elle-même, pas obstacle à la naissance éventuelle d’un permis tacite à l’issue du délai d’instruction au profit des autres demandeurs pour leur propre projet de construction.
4. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d’être dit qu’en jugeant, alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que le refus du 9 mars 2015 notifié à la société Forénergie était fondé sur le caractère inconstructible du terrain d’assiette du projet, que la notification de cette décision à la société Forénergie avant l’expiration du délai d’instruction avait fait obstacle à la naissance, au terme de ce délai, d’un permis de construire tacite au bénéfice de la société Serpe, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit. »
Décision à retrouver dans son intégralité sur le site de LEGIFRANCE : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043328481?isSuggest=true