Permis de construire : autorisation d’urbanisme : la réforme des recours contre les autorisations d’urbanisme opérée par l’ordonnance du 18 juillet 2013
Reprenant une importante partie des préconisations issues du rapport LABETOULLE « Construction et droit au recours pour un meilleur équilibre» remis le 23 avril 2013 au gouvernement, l’ordonnance n° 2013–638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme restreint sensiblement la possibilité pour les tiers de contester la délivrance des autorisations d’urbanisme.
L’objet de cette reforme est de rendre le contentieux des autorisations d’urbanisme moins pénalisant pour la réalisation des projets afin de favoriser la création de logement en protégeant les droits des bénéficiaires des autorisations d’urbanisme et plus spécifiquement ceux des promoteurs immobiliers.
L’idée motrice de cette réforme est donc de permettre d’accélérer le délai de réalisation des projets qui est ralenti par les recours contentieux des tiers.
On peut toutefois regretter que cette reforme se contente de lutter contre l’allongement de ces délais en réduisant l’accès au tiers au prétoire. Cet accès était pourtant déjà limité par des précédentes réformes et par des jurisprudences de plus en plus strictes.
On peut également déplorer qu’il n’y ait pas eu une réflexion globale sur le contentieux de l’urbanisme et sa simplification. En effet, s’il est louable de vouloir sanctionner les recours abusifs introduits par des tiers malveillants dans un but uniquement lucratif, on a le sentiment que ce rapport n’a qu’un unique but celui de protéger les promoteurs immobiliers afin de permettre le développement de l’offre de logement.
En substance, voici la présentation des quatre mesures de ce rapport :
1. CLARIFIER LES RÈGLES DE L’INTÉRÊT POUR AGIR
Article L600‑1–2 du code de l’urbanisme nouveau
Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261–15 du code de la construction et de l’habitation.
Article L600‑1–3 du code de l’urbanisme nouveau :
Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
Ces deux nouveaux articles portent respectivement sur la substance même de l’intérêt à agir dans le contentieux des autorisations d’urbanisme pour le premier et sur la date de prise en compte de cet intérêt pour le second.
A la manière dont le code de l’environnement traite la question s’agissant de la contestation par des tiers des décisions prises au titre de la police des installations classées pour la protection de l’environnement, l’article L.600–1‑2 du code de l’urbanisme va plus plus loin que l’intérêt direct et certain usuellement requis par le juge administratif et fait référence dans le texte même aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien, que le projet faisant l’objet de la décision d’autorisation attaquée devrait affecter directement.
L’article L.600–1‑3 limite temporellement l’intérêt à agir à la date de l’affichage de l’autorisation. Ainsi seuls seront recevables les requérants qui auront fait l’acquisition ou la location du bien immobilier leur donnant intérêt à agir avant ledit affichage.
A la différence de L.600–1‑1 qui limite le recours des associations avec l’exigence de leur création préalable avant l’affichage en mairie, il est beaucoup moins fréquent que des personnes acquièrent ou louent un bien dans l’unique but de faire un recours.
On peut donc regretter l’introduction d’une telle disposition qui prive les nouveaux acquéreurs et les nouveaux locataires de bonne foi du droit à un recours effectif.
Cela semble contraire aux principes portées par la CEDH ou par la Constitution concernant justement ce droit à un recours effectif.
Outre cette limite, il ressort que notamment l’article L.600–1‑2 ne présente pas un intérêt pratique très important dans la mesure où l’intérêt à agir était déjà limité par la jurisprudence.
2.ORGANISER UN MÉCANISME DE RÉGULARISATION EN COURS D’INSTANCE À L’INITIATIVE DU JUGE
L’article L600-5 du code de l’urbanisme est modifié de la façon suivante :
Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation.
L’article L.600–5‑1 du code de l’urbanisme est modifié de la façon suivante :
Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
Anciennement lorsqu’une autorisation d’urbanisme faisait l’objet d’un recours, rien n’interdisait à son titulaire, s’il pressentait, à la lumière des échanges de mémoires entre les parties, qu’un moyen était sérieux et susceptible de conduire le juge à prononcer l’annulation du permis, de solliciter de l’autorité qui l’a délivré l’octroi d’un permis modificatif assurant le respect des règles précédemment méconnues et régularisant ainsi l’acte initial. (voir notamment, dans le cas de la méconnaissance de règles de fond relatives à l’utilisation du sol, CE, 9 décembre 1994, n° 116447, SARL Séri, T. p. 1261 et, pour des vices de forme ou de procédure, ce qui représentait un effort supplémentaire, CE, 2 février 2004, n° 238315, SCI La Fontaine de Villiers, T. p. 914).
Compte tenu des limites présentées par ce mécanisme, l’article L.600–5 du code de l’urbanisme est réécrit pour prévoir que lorsqu’il prononce l’annulation partielle d’une autorisation, le juge peut fixer le délai dans lequel son bénéficiaire pourra en demander la régularisation.
C’est surtout l’article L.600–5‑1 qui comporte l’innovation majeure puisqu’il est prévu de permettre au juge, saisi d’un recours contre une autorisation et constatant qu’un seul moyen est fondé, de surseoir à statuer et d’accorder un délai à son bénéficiaire et à l’autorité qui l’a accordée pour régulariser l’autorisation initiale par la délivrance d’un permis de construire modificatif.
Cette disposition très novatrice marque une volonté de privilégier la régularisation des actes administratifs illégaux et aura sans doute l’effet escompté en termes d’accélération des procédures.
3. PERMETTRE AU DÉFENDEUR À L’INSTANCE DE PRÉSENTER DES CONCLUSIONS RECONVENTIONNELLES À CARACTÈRE INDEMNITAIRE
L’ article L600‑7 du code de l’urbanisme nouveau est ainsi rédigé
Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel.
Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141–1 du code de l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes.
Cette article a pour objet de palier l’extrême difficulté de voir reconnaître le caractère abusif des recours.
C’est une exception notable, car les demandes reconventionnelles ne sont en principe pas acceptées dans le contentieux de l’excès de pouvoir
Cette disposition nous paraît cependant critiquable à plusieurs égards :
- L’objectif principal de cette réforme est d’accélérer le contentieux afin que les projets puissent aboutir. Or l’introduction d’une telle disposition va au contraire alourdir les débats en ajoutant une discussion sur l’existence d’un préjudice
- Les auteurs de cette proposition la juge symbolique et dissuasive et son application serait pour eux très rares. On peut au contraire penser que cette prétention sera systématique et qu’il faudra au juge beaucoup de compréhension pour trouver un équilibre.
- Au surplus, elle découragera à n’en pas douter un nombre certain de requérant de bonne foi qui face aux sommes demandées par les promoteurs auront sans doute des hésitations à maintenir leur recours quand bien même celui-ci serait fondé.On peut d’ailleurs regretter l’insertion de cet article n’est pas limité comme proposé dans le rapport LABETOULLE les demandes à 3000 €uros :
- Enfin on peut également déplorer que ce texte ne joue qu’en faveur des bénéficiaires des autorisations d’urbanisme et non d’une manière générale pour l’ensemble du contentieux des autorisations d’urbanisme. Ainsi, il n’est pas possible de sanctionner l’abus lors qu’est attaqué un refus d’autorisation d’urbanisme alors que de telle situation se rencontre également en pratique.
4. ENCADRER LE RÉGIME DES TRANSACTIONS PAR LESQUELLES IL EST MIS A FIN À L’INSTANCE
Article L600‑8 du code de l’urbanisme nouveau est ainsi rédigé
Toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l’article 635 du code général des impôts.
La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition. L’action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature.
Les acquéreurs successifs de biens ayant fait l’objet du permis mentionné au premier alinéa peuvent également exercer l’action en répétition prévue à l’alinéa précédent à raison du préjudice qu’ils ont subi.
Les auteurs de ce texte sont partis du constat qu’assez fréquemment en échange du désistement de la partie requérante, une contrepartie consistant soit dans le versement d’une somme d’argent soit dans l’octroi d’un avantage en nature (ravalement de cour commune, accès à un parking…) ou dans la modification du projet initial (réduction de la hauteur de la construction par exemple) est octroyée par le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme.
En proposant de soumettre les transactions en cause à une obligation d’enregistrement auprès de l’administration des impôts indirects, le but est de faire réfléchir les quelques requérants qui font profession des désistements contre rémunération et préserver, pour le reste, les espaces de négociation qui sont nécessaires dans des opérations complexes telles que les projets de construction.
Cette disposition impose donc au requérant qui se désiste de faire enregistrer sa transaction auprès des services des impôts sous peine de voir de voir réputer sans cause les contreparties prévues par une transaction n’ayant pas été dûment enregistrée. A défaut d’enregistrement, donc, les sommes versées en contrepartie du désistement pourront être récupérées à tout moment, soit par le promoteur directement,soit même parles acquéreurs successifs qui en auraient supporté le coût répercuté par le promoteur.
N’ayant plus aucune garantie de conserver la contrepartie, les requérants malveillants verront leur position de négociation singulièrement affaiblie.
On peut toutefois regretter que la solution de l’homologation des transactions par le juge n’est pas été retenue.