Pacte de préférence vs. Droit de préemption du locataire : “Un pacte de préférence ne saurait faire échec au droit de préemption du locataire ”

L’hypothèse est la suivante : Un propriétaire d’immeuble s’engage à proposer la vente de ce dernier en priorité à une tierce personne, formant par contrat un pacte de préférence (article 1123 al. 1 du Code civil).
Ce même bien est, par la suite, mis en location et le locataire bénéficie de ce fait du droit de préemption prévu par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 n°89–462 dite « Mermaz ».
La question qui se pose alors est de savoir quel droit de priorité prime ?
Le présent article s’attache à apporter une réponse à cette problématique (III.).
Il est cependant nécessaire dans un premier temps de rappeler le régime juridique de ces deux droits de priorité sont similaires de par leurs effets (I. & II.).
I. Qu’est-ce que le pacte de préférence ?
Selon l’article 1123 al. 1 du Code civil, “un pacte de préférenceest un contrat par lequel une partie [soit le débiteur de la promesse,] s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter”.
🚨 Attention ! Ainsi, en application de l’article 1123 al. 2 du Code civil, si le débiteur du pacte vend l’immeuble objet du contrat à un tiers, le bénéficiaire sera en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec ce tiers en méconnaissance de ses droits, ou d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, mais à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence ainsi que de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir (en ce sens, voir Cass. Civ. 3e., 28 févr. 2018, n°17–11.111).
II. Qu’est-ce que le droit de préemption du locataire ?
L’article 15 de la loi n°89–462 dite « loi Mermaz », régissant les rapports locatifs et tendant à les améliorer, prévoit qu’un locataire bénéficie d’un droit de préemption sur la vente de l’immeuble qu’il loue :
“le congé [fondé sur la décision de vendre le logement] vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis”.
Ce dernier aurait la faculté d’acquérir l’immeuble qu’il occupe au titre de son contrat de bail en priorité à toute autre personne si le propriétaire souhaite le vendre.
III. Pacte de préférence vs. Droit de préemption du locataire : la primauté du droit de préemption du locataire
Dans un arrêt de 2016 (Cass. Civ. 3e., 24 mars 2016, pourvoi n° 15–14.004, F‑D), la Cour de cassation a pu apporter une réponse sans équivoque.
Alors, « la réglementation concernant le droit de préemption [du locataire] est d’ordre public et ne peut être tenue en échec par la conclusion d’un pacte de préférence “.
En l’espèce, la vente du bien immobilier à usage d’habitation n’a jamais abouti, car le propriétaire a refusé de signer l’acte authentique avec le locataire, en raison du pacte de préférence.
Devant ce refus, le locataire, voulant acquérir l’immeuble dans lequel il résidait, a assigné le vendeur en perfection de la vente.
Dans un même temps, le bénéficiaire du pacte de préférence est intervenu à la procédure afin d’exercer son droit de préférence et a sollicité des dommages-intérêts.
Cependant, la Cour a rejeté la demande de ce dernier à des dommages-intérêts dans la mesure où il avait la connaissance préalable que le bien était donné en location.
🚨Attention ! la connaissance de l’existence d’un locataire est déterminante pour l’appréciation de l’octroi de dommage et intérêts Cour d’Appel de Pau du 10 décembre 2014 ( n° 14/4357).
Ainsi, de jurisprudence constante, le droit de préemption du locataire prime sur le pacte de préférence.
- https://www.courdecassation.fr/decision/export/615e0e48c25a97f0381f5466/1 (CA Pau, 10 déc. 2014, n° 14/4357);
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032315558/ (Cass. Civ. 3e., 24 mars 2016, pourvoi n° 15–14.004, F‑D);
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036697185 (Cass. Civ. 3e., 28 fév. 2018, n°17–11.111)