Copropriété : Comment s’opposer aux nuisances générées par les locations de meublés de tourisme
Voisins fêtards ? Allez et venues incessantes ? Problématiques de stationnement ?
Pas de doute, des locations de meublés de courte durée se sont installées au sein de votre copropriété !

Il s’agit d’un sujet épineux auquel la région Annecienne est particulièrement confrontée : à Annecy , la mairie dénombre actuellement 4.600 meublés de tourisme, soit quatre fois plus qu’il y a cinq ans, ce qui engendre des nuisances considérables.
Si le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Grand Annecy avait pour dessin d’en limiter la prolifération via l’application de quotas, une récente décision du Tribunal Administratif de Grenoble a jugé l’encadrement des meublés touristiques non conforme aux textes encadrant sa mise en place, suspendant le règlement voté le 23 février dernier (Tribunal Administratif de Grenoble, 11 juill. 2023, n°2302693 & n°2302703).
Cependant, l’intervention de l’autorité administrative n’est pas la seule possibilité de voir limiter les locations meublées de courte durée et le présent article s’attache à énumérer les outils à la disposition des copropriétaires afin de répondre à la question suivante :
Dans quelles mesures un copropriétaire peut-il empêcher une location de meublé touristique ?
En premier lieu, un copropriétaire insatisfait pourra se référer à son règlement de copropriété.
Si ce dernier contient une clause bourgeoise, elle emportera la prohibition de locations de meublés de tourismes (I.).
En l’absence de telles dispositions, il sera alors possible d’arguer un trouble anormal du voisinage s’il est caractérisé (II.).
Le présent article ne traite pas la question du changement d’usage prévu à l’article L.631–7 du Code de la construction et de l’habitation (B.).
I. Se référer au droit de la copropriété : l’existence d’une clause bourgeoise
🔍 Bon à savoir !
La copropriété pose deux grands principes, issus de l’article 9 alinéa 1er de la loi du 19 juillet 1965, soit :
- Le droit individuel que détient chaque propriétaire sur son lot : « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes ».
- Le droit collectif des autres copropriétaires, justifiant que ce droit individuel soit lui-même exercé : « … sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ».
C’est dans le cadre d’une atteinte aux droits collectifs des copropriétaires par l’exercice d’une activité de location meublée touristique qu’une action peut être engagée par ces derniers s’ils démontrent un intérêt à agir.
Un règlement de copropriété fixe des règles afin de préserver les conditions de jouissance au sein d’une copropriété.
Une clause insérée à ce règlement peut interdire ou soumettre à autorisation les locations meublées à la condition qu’elle soit justifiée par le respect de la destination de l’immeuble (article 8 de la loi du 10 juillet 1965) :
« Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. »
Cette clause, dite « bourgeoise », emporte qu’aucune activité commerciale, y compris la location temporaire, ne sera autorisée au sein de l’immeuble objet du règlement.
Depuis 2013, on a assisté à un durcissement de la jurisprudence à ce sujet notamment par des arrêts de la Cour d’Appel de Paris (11 sept. 2013, n°11/12572 et 21 mai 2014, n°12/17679).
Plus récemment encore, la Cour de cassation (8 mai 2018, pourvoi n°14–15.864) a estimé que les locations de meublés touristiques ne correspondaient pas à la destination d’un immeuble à usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habitation et à l’exclusion de toute activité commerciale.
🚨 À noter : Si le règlement est silencieux, il est en théorie possible de faire voter une modification de celui-ci en assemblée générale.
➡️ En pratique, une telle manœuvre semble compromise puisque toute décision affectant la destination de l’immeuble nécessite l’unanimité des voix de la totalité des copropriétaires. Cette modification sera ainsi difficile à obtenir si l’un des copropriétaires exploite déjà un meublé touristique dans l’immeuble.
II. En l’absence de clause : Le trouble anormal du voisinage
Si le règlement de copropriété n’interdit pas la location de meublé saisonnière, il n’en demeure pas moins que le copropriétaire qui pratique cette activité a l’obligation de veiller au respect de la tranquillité de l’immeuble.
En cas de nuisance, le syndicat de copropriété et les copropriétaires auront ainsi qualité à agir à l’encontre du copropriétaire louant son bien, car ce dernier demeure responsable de ses locataires.
C’est ce que confirme un arrêt du 21 mai 2014 de la Cour d’appel de Paris (n° 12/21245) qui a condamné le propriétaire d’un appartement à payer au syndicat une somme de 7000 €uros à titre de dommages et intérêts en raison des troubles anormaux de voisinage occasionné par son locataire.
Il est également à noter qu’un copropriétaire dont le seul lot est affecté par le trouble peut exercer une action, mais à condition d’en informer le syndic (article 15 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965).
🚨Difficultés !
➡️ Si l’action est menée par le syndicat, la preuve du trouble anormal de voisinage doit être collective et ne peut pas affecter un seul lot/copropriétaire (Cour d’appel de Paris, 27 janv. 2010, n°08/24304).
➡️ La preuve peut, en tout état de cause, être difficile à établir dès lors que les séjours sont de courte durée.
En conclusion, une copropriété doit se poser trois questions dans l’ordre suivant afin d’empêcher une location de meublé touristique :
- Le règlement de la copropriété interdit-il la location meublée saisonnière ?
- Provoque-t-elle des troubles anormaux de voisinage ?
- L’affectation du lot permet-elle la location saisonnière (question non traitée par le présent article)?
https://www.tf1info.fr/immobilier/video-reportage-tf1-locations-saisonnieres-airbnb-annecy-s-attaque-a-son-tour-aux-boites-a-cles-apres-lille-ou-saint-malo-2260969.html
Cour d’Appel de Paris, 11 sept. 2013, n°11/12572
Cour d’appel de Paris, 21 mai 2014, n°12/17679
Cour de cassation, 8 mars 2018, pourvoi n°14–15.864
Cour d’appel de Paris, 21 mai 2014, n° 12/21245
Cour d’appel de Paris, 27 janv. 2010, n°08/24304
Tribunal Administratif de Grenoble, 11 juill. 2023, n°2302693 & n°2302703
http://grenoble.tribunal-administratif.fr/A‑savoir/Jurisprudence/Meubles-touristiques-l-encadrement-trop-restrictif-du-Grand-Annecy