AUTORISATIONS D’URBANISME : PRÉCISION SUR L’ INTÉRÊT A AGIR CONTRE UN PERMIS DE CONSTRUIRE, DE DÉMOLIR OU D’AMÉNAGER
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Conseil d’État, 10e chambre, 29 juillet 2020, n° 433876.
Dans une décision du 29 juillet 2020, les Juges du Conseil d’État sont venus rappeler les critères de recevabilité du recours contre une autorisation d’urbanisme.
Pour rappel, l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme introduit dans le Code de l’Urbanisme des mesures, en vue d’accélérer le règlement des litiges et de prévenir les contestations abusives des autorisations de construire et limitant l’intérêt à agir des requérants.
Il s’agit notamment l’article L. 600–1‑2 du code de l’urbanisme qui énonce :
« Une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261–15 du code de la construction et de l’habitation. »
Le Conseil d’État est venu préciser la portée de ces dispositions.
Ainsi, dans une décision n°387507, en date du 10 février 2016, les juges de la Haute-Juridiction ont notamment posé comme principe complémentaire que l’auteur d’un recours en annulation contre une autorisation d’urbanisme doit démontrer son intérêt à agir par tous moyens.
De même, quatre décisions du Conseil d’Etat en date du 13 avril 2016 (n°390109, n°389799, n°389801 et n°389802) ont détaillé les éléments pris en considération pour apprécier l’intérêt à agir dudit voisin :
« Eu égard de sa situation particulière, le voisin immédiat justifie en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction. »
Enfin, par une décision du 20 juin 2016, n°386932, le Conseil d’État défini les pièces à fournir pour le voisin immédiat.
Ainsi, pour avoir un intérêt à agir il faut :
- Justifier d’un titre de propriété ou d’occupation ;
- Présenter des pièces justifiant de la nature, l’importance et la localisation du projet contesté.
Plus récemment, la loi ELAN n° 2018–1021 du 23 novembre 2018 portant Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique modifie l’article L. 600–1‑2 du Code de l’Urbanisme et élargi le champ d’application de cet article.
Ce dernier concerne désormais les recours relatifs à une “décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code”:
« Une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261–15 du code de la construction et de l’habitation.
Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. »
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat rappelle de manière pédagogique que l’auteur du recours contre une autorisation d’urbanisme doit répondre à deux conditions cumulatives :
- Occuper ou détenir le bien immobilier (1) ;
- Être impacté par le projet de construction (2).
C’est ce que va respectivement contrôler le Juge Administratif.
- Occuper ou détenir un bien immobilier :
La Haute Juridiction précise ce quelles justifications de l’occupation régulière ou de la détention d’un bien immobilier, l’auteur d’un recours en annulation contre une autorisation d’urbanisme doit rapporter.
Ainsi, que le bien soit simplement occupé ou bien détenu, le nouvel article R. 600–4 du Code de l’Urbanisme impose au requérant de fournir obligatoirement les pièces nécessaires à l’appréciation de son intérêt à agir.
Il peut s’agir d’un “titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261–15 du code de la construction et de l’habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien”
A défaut, “une personne qui ne fait état ni d’un acte de propriété, ni d’une promesse de vente, ni d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261–15 du code de la construction et de l’habitation ne justifie pas d’un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation d’une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le code de l’urbanisme, sauf à ce que, à la date à laquelle elle saisit le juge administratif, elle puisse faire état d’une contestation sérieuse, à son bénéfice, de la propriété de ce bien devant le juge compétent. ”
Puis, il contrôle la qualité du requérant à agir en tant que propriétaire ou occupant :
« Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B…, qui, ainsi qu’il a été dit au point 3, ne saurait se prévaloir des instances engagées en vue d’obtenir l’annulation des cessions du château de Ferrand pour justifier de son intérêt pour agir, aurait acquis la qualité de propriétaire de ce bien, ni qu’il bénéficierait d’une promesse de vente. »
- Être impacté par le projet :
Pour être considéré comme ayant un intérêt à agir, le requérant doit prouver que le projet ayant fait l’objet de l’autorisation d’urbanisme qu’il conteste, l’affecte directement dans ses droits d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien occupé ou détenu.
Le juge contrôle ainsi que le voisin immédiat, au regard de sa situation particulière, est bien impacté par le projet querellé en raison de sa nature, de son importance ou de sa localisation.
« Il n’en ressort pas davantage, eu égard à la nature des travaux en cause, à la distance de sept cent mètres qui sépare la maison du requérant de l’immeuble sur lequel porte le projet et à la topographie des lieux, que M. B… justifierait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir en raison de la proximité de sa propriété avec le château ou de la dépréciation de sa valeur vénale en raison des travaux. »
Par conséquent, malgré la qualité de voisin immédiat, estime que l’absence de proximité du projet ne confère pas au requérant intérêt à agir.
La seule qualité de voisin immédiat n’est donc pas suffisante pour solliciter l’annulation d’une autorisation d’urbanisme.
La décision est disponible sur le site Légifrance en cliquant sur le lien suivant:
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042175717?tab_selection=cetat&searchField=ALL&query=433876&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&pageSize=10&page=1&tab_selection=cetat#cetat